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Les implications des newGTLDs en matière de concurrence (04/2013)

Dans son édition spéciale INTA Dallas (n°13 du 02.04.2013), le magazine IPPro The Internet a organisé une table ronde au sujet du programme de nouvelles extensions internet (NewgTLDs) organisé par l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN). Les premières extensions devraient être commercialisées au quatrième trimestre 2013. IPPro The Internet a demandé à huit spécialistes de ce programme de répondre à une série de questions. Stéphanie Lacroix, a participé à cette table ronde aux côtés d’Andy Churley, Group Markting director chez NetNames, Anthony Beltran, COO/CFO de 101Domain, Jon Nevett, Executive vice president chez Donuts, Jonathan Cohen, Senior partner chez Shapiro Cohen, John Wilks, Partner chez DLA Piper LLP, Daniel Greenberg, director de Lexsynergy, Mark Dugdale, editor de IP Pro The Internet.

Les nouvelles extensions internet arrivent bientôt. Que vont-elle changer à l’Internet actuel ? Stéphanie Lacroix : Les NewgTLDs vont permettre aux internautes d’acheter des noms de domaine inaccessibles auparavant. Le .COM va franchir les 110 millions de noms de domaine cette année et plus aucun nom de domaine court ou significatif n’est disponible. L’arrivée des NewgTLDs offrira beaucoup plus de possibilité de dépôt à l’utilisateur final à moindre coût car il aura moins d’intérêt à racheter les noms de domaine déjà pris sur le second marché. Les NewgTLDs vont aussi faciliter l’identification du contenu d’un site internet. Aujourd’hui, plus personne ne sait de quoi traite le nom de domaine laforet.com. Est-ce le nom d’un vignoble, un restaurant, un hôtel, une agence immobilière ? Les .WINE, .RESTAURANT, .HOTEL ou .IMMO permettront de distinguer les activités sur le web. Nous croyons aussi fortement à l’intérêt des nouvelles extensions géographiques. Compte tenu de leur importance économique, les GeoTLDs comme le .BERLIN, .NYC ou .PARIS nous semblent tout à fait légitimes. Il existe bien le .AW pour Aruba et le .MS pour Montserrat qui n’ont pas le même rayonnement international que ces grandes villes.

Quels types d’entreprises sont candidates pour une nouvelle extension, et que peut-on en déduire sur la popularité du programme? Stéphanie Lacroix : A notre avis, le programme a été populaire compte tenu du volume de candidatures initiales (1 930) par rapport aux nombres d’extensions existantes (un peu plus de 300). Il a suscité beaucoup d’attentes auprès des spécialistes et de nombreuses discussions avec l’ICANN durant plusieurs années. Le programme reste toutefois assez méconnu auprès du grand public. Le cas des dotBRANDs est particulier. S’ils représentent 33 % des dossiers, nous sommes dans l’expectative concernant leur futur usage par les candidats et leur appropriation par les internautes. Nous avons l’impression qu’il y a eu un grand nombre de dépôts préventifs parmi les dotBRANDs et on constate que les premiers retraits de candidature sont principalement des dotBRANDs comme le .CIALIS, les extensions soumises par General Motors, le .HEINZ… Les candidatures les plus intéressantes commercialement sont les extensions génériques ouvertes comme les .ART, .BLOG ou .FILM ainsi que les extensions géographiques.

Combien ce programme va-t-il coûter à un candidat pour une nouvelle extension ? Qu’en est-il pour les futurs titulaires de noms de domaine ? Stéphanie Lacroix : Le coût du programme varie selon le type d’extension (dotBRAND, geoTLD, pure generic) et le volume de noms de domaine enregistrés. D’après nos estimations, les frais initiaux de soumission d’un dossier complet incluant les coûts ICANN, les coûts de l’opérateur technique et de consultant, sont de l’ordre de 500 000 euros. Si la nouvelle extension compte un volume de 10 000 noms de domaine déposés, les frais de fonctionnement devraient s’élever à 300 000 euros / an. Cette appréciation prend en compte les frais annuels ICANN et ceux de l’opérateur technique de registre. Il ne faut pas oublier le salaire des personnes dédiées à l’extension ayant des compétences marketing, techniques, juridiques… Le budget communication est variable selon l’ambition du candidat pour son extension. Pour les sociétés non candidates, il faut compter l’enregistrement de la marque dans la Trademark Clearinghouse via un agent (autour de 200 euros) puis prévoir un enregistrement durant la période d’enregistrement prioritaire (sunrise period) via un bureau d’enregistrement (autour de 200 euros) dans chaque extension qui intéresse la marque. La moyenne des prix en « go live » des nouvelles extensions devrait être proche des 50 euros (prix registrar) en année 2. Ces coûts sont à multiplier selon le nombre d’extension choisie par l’entreprise. Nous recommandons de déposer uniquement ses marques phares dans les extensions correspondant aux classes et pays dans lesquels elles sont protégées.

Quelles sont les implications concernant la concurrence pour les NewgTLDs ? Une fois l’entreprise titulaire d’une nouvelle extension, comment doit-elle traiter la concurrence ? Stéphanie Lacroix : Chaque registre détermine ses propres critères d’éligibilité pour permettre l'enregistrement d'un nom de domaine dans son extension. La majorité des .MARQUES propose un modèle de « single registrant-registry » ce qui signifie que le titulaire de l’extension est l’unique titulaire possible de noms de domaine dans cette extension. Dans ces cas, un concurrent du candidat ne sera tout simplement pas éligible pour enregistrer un nom de domaine dans l’extension. Nous sommes cependant curieux de suivre l'évolution des candidatures génériques demandées par des entreprises privées telles que le .BEAUTY (beauté) de L'Oréal, le .BOO (livre) pour Amazon et le .WATCHES (montres) pour Richemont. Une attention particulière devra être portée sur les moteurs de recherche tels que Google afin de savoir comment ils vont gérer le référencement naturel des candidatures potentiellement concurrentes aux leurs.

Le programme de nouvelles extensions ajoute une nouvelle sphère pour les cybersquatteurs. Que devra entreprendre un titulaire de marque pour minimiser la mauvaise utilisation de ses marques. Stéphanie Lacroix : Les nouvelles extensions augmentent statistiquement le risque d’atteintes aux marques sur Internet. Le dépôt d’un nom de domaine par un tiers peut aussi être tout à fait légitime. Pourquoi un particulier dont le patronyme serait Cartier n’aurait pas le droit de tenir son blog sous cartier.blog ? Pour minimiser les risques, le premier réflexe est le dépôt préventif de noms de domaine. Cette stratégie n’est pas idoine car le risque zéro n’existe pas et les coûts associés à cette politique sont inflationnistes. Nous recommandons le dépôt des marques uniquement à l’identique dans les extensions les plus pertinentes, soit en respectant les principes de classe et de territorialité. C’est logique pour Accor de déposer novotel.hotel et si le groupe hôtelier ne le fait pas, le risque qu’un cybersquatteur se l’approprie est beaucoup plus important qu’un nom de domaine comme novotel.horse. Il faut associer cette politique minimaliste de dépôt à la mise en place d’une surveillance de noms de domaine de nouvelle génération ultra performante. Keep Alert a investi dans son département de recherche et développement pour détecter tous les enregistrements de noms de domaine à l’identique, au contenant ou à l’approchant d’une marque. Cette technologie est compatible avec les noms de domaine internationaux (IDN) pour surveiller les dépôts dans les alphabets non latins.

Quelle est la fiabilité des mécanismes de protection des marques ? Stéphanie Lacroix : Les mécanismes de protection des marques imposés par l’ICANN dans son programme étaient nécessaires. Leur fonctionnement et leur fiabilité sont à tester dans les mois à venir mais leur principe est limité dans le temps et dans la détection des écritures des noms de domaine litigieux (uniquement à l’identique). Aujourd’hui, 70 % des noms de domaine litigieux jugés dans les décisions extrajudiciaires concernent des noms de domaine contenant la marque. Ces cas de cybersquatting où la marque est associée à un terme comme « buy », « online » ou « sale » doivent être détectés par un service de surveillance additionnelle comme Keep Alert. La veille ne doit pas se limiter à la détection des nouveaux dépôts mais également au suivi des noms précédemment enregistrés. Il existe des centaines de noms de domaine litigieux relatifs aux marques et ces dernières doivent sélectionner les cas préjudiciables pour maximiser leur budget d’actions extrajudiciaires. Par exemple, si Lacoste n’attaque pas immédiatement un futur nom de domaine comme lacosteshoes.shop dont l’usage serait la page parking du d’enregistrement GoDaddy, la marque au crocodile souhaitera par contre être alertée le jour où le nom de domaine deviendra une boutique en ligne vendant de la contrefaçon. Ces prestations de suivi des noms de domaine font partie de l’offre basique de Keep Alert.

La  « Trademark Clearinghouse » est une nouvelle invention, mais est-elle  pratique compte tenu de la portée du programme ? Stéphanie Lacroix : La Trademark Clearinghouse va faciliter la vie des ayants-droits grâce au numéro unique d’identification d’une marque pour déposer son nom en période d’enregsitrement prioritaire (« sunrise period ») dans les extensions choisies. Les services de « Trademark Claims » sont utiles mais leur limite dans le temps (90 jours) n’est pas satisfaisante. Keep Alert a développé un service de « Trademark Claims Extented » qui permet d’être prévenu en cas de dépôt à l’identique par un tiers au-delà de la période de 90 jours. Ce service est rendu possible par la récupération quotidienne des fichiers de zone (« zones files ») des nouveaux registres. Ces fichiers techniques sont hébergés sur un réseau robuste certifié ISO 9001. Chaque résultat détecté fait l’objet d’une capture d’écran horodatée accompagnée d’une qualification de l’usage du nom de domaine (ex : page parking, page d’attente d’un registrar, page inaccessible, boutique en ligne, contenu adulte…). Les marques qui souhaitent étendre leur surveillance de noms de domaine à des écritures contenant leur nom  (ex : mamarquegroup.paris) ou à l’approchant (« typosquatting ») dans les nouvelles extensions peuvent souscrire aux offres de veille de Keep Alert. Chaque NewgTLD sera couvert par Keep Alert et le client pourra choisir son périmètre et gérer au mieux son budget. Une marque française a tout intérêt à surveiller les cas de cybersquatting dans les nouvelles extensions géographiques (geoTLD) français .ALSACE, .AQUITAINE, .BZH, .CORSICA et .PARIS, moins dans le .Abu-Dhabi en caractère arabe.